Javascript DHTML Drop Down Menu Powered by dhtml-menu-builder.com

 

“MYTHIQUE”; “ABSTRAITE”; “POLAIRE”; “FASCINANTE”: DEPUIS SON INTERRUPTION
VOLONTAIRE DE CARRIÈRE, EN 1941, ELLE N'AVAIT JAMAIS CESSÉ DE FAIRE RÊVER

15 ans de succès, 50 ans de silence:
c'était Greta Garbo


Elle voulait qu'on la “laisse tranquille”
A vingt ans, elle devenait star; à trente-six ans, elle
abandonnait les écrans. «Je veux qu'on me laisse
tranquille», avait-elle dit. Après 1941, Greta Garbo
ne devait plus connaître qu'un solitude dorée
protégée par son goût du secret.

Sa mort, dimanche dernier, a déclenché sur la planète un déluge de superlatifs: comme si la Divine n'avait tourné que des chefs-d'œuvre avant de quitter, à 36-ans, le cinéma et la vie publique. Mais depuis, c'est par l'absence qu'elle régnait. Le mystère Garbo résidait là.
PAR CHRISTIAN GONZALEZ


1990: elle entre à l'hôpital, à New York. Sur sa figure,
l'imminence de la mort. Greta Garbo sera incinérée.
Loin de la foule, comme elle a vécu.

DEOUIS près d'un demi-siècle, Greta Garbo n'était plus qu'une passante furtive arpentant les quatre coins de la planète ses lunettes noires, un rêve de femme lancé dans une fuite obstinée. «Je hais la foule et ses rumeurs», avait-elle dit un jour.
    Sur ses pas, cependant, les rumeurs ne s'étaient jamais tues. Qu'elle sillonne les trottoirs de Manhattan, débarque à Corfou, fasse de la gymnastique sur le pont d'un yacht, se promène sur l'esplanades des Invalides, se rende à Klosters, en Suisse, ou se baigne en Méditerranée, il y avait toujours un téléobjectif braqué sur elle.
    Sur ces photos volées, on la découvrait souvent mal fagotée, vieillie bien sûr, les mèches désormais blanches. Mais l'arête du nez droit demeurait inflexible, la mâchoire restait puissante et les gestes avaient conservé une détermination presque masculine. La gloire hollywoodienne de la Divine serait peut-être retombée après son dernier film en 1941, un semi-échec, la Femme aux deux visages de George Cukor, et sa retraite. Seulement, l'énigme de l'étrange destin qu'elle s'était choisi ne pouvait manquer d'intriguer et d'enflammer les imaginations plus sûrement encore que ne l'avait fait sa beauté du temps où elle était la plus grande star du monde.
     «Je veux qu'on me laisse tranquille», avait-elle décrété. Et, à trente-six ans, elle avait cessé de tourner. Tout simplement. Sans déclarations fracassantes, tambours, trompettes. Se contentant de ne plus donner suite aux propositions qui, jusqu'à sa mort, allaient continuer de lui arriver. Partie sur la pointe de pieds, elle allait pourtant être obligée tout le reste de sa vie de se dérober à une inlassable curiosité. Avait-elle donc quelque chose à cacher, elle qui avait un beau jour tourné le dos à Hollywood comme on abandonne un amant dont on s'est lassé, en laissant derrière elle, presque négligemment, vingt-neuf films pour nourrir sa légende? Qui sait… Peut-être rien. On songe à l'indication du réalisateur Rouben Mamoulian la dirigent dans la dernière séquence, justement célèbre, de la Reine Christine, quand elle regarde s'éloigner les côtes de Suède: «Surtout, ne pense à rien!» On n'entre pas autrement dans les cinémathèques.
    Garbo ne s'était probablement jamais fait aucune illusion sur le mythe Garbo, elle qui avait toujours détesté et méprisé le cinéma, les acteurs et Hollywood. Elle qui pour obtenir une augmentation de salaire et qui se comportait sur les plateaux comme une fonctionnaire vétilleuse, arrivant à l'heure et repartant à l'heure, sans la moindre dérogation.
    Elle avait espéré tirer un trait sur son passé. «Garbo, écrira Mamoulian, croit que c'est un plus grand bonheur de n'obéir à personne que de gouverner le monde.» Mais elle devait, du même coup, donner le signal d'une traque insensée. On allait vider ses poubelles pour en vendre le contenu à prix d'or (jusqu'à cent dollars pour un tube de rouge à lèvres usé!), l'épier, la guetter, pénétrer chez elle pour y installer des caméras clandestines, circonvenir son entourage. Le culte Garbo n'allait plus cesser de croître et d'enfler. L'écrivain Truman Capote racontait comment l'un de ses amis interdisait que l'on s'assît dans l'un des fauteuils de son salon: Garbo y avait laissé l'empreinte de son corps.
     «En fait , confiait Greta Garbo dans l'une des rares interviews qu'elle devait accorder, je n'ai pas vu grand-chose du monde. J'ai été assez naïve pour penser que je pourrais voyager sans être découverte et pourchassée. Pourquoi ne peut-on éviter d'être suivie et surveillée? Pour moi, cela tue toute la beauté des choses.»
    Et, quelques années plus tard, en 1977, à l'écrivain Frederick Sands: «Partout où je suis, je me sens inquiète et indécis. Je suppose que j'ai toujours été comme ça… Quand je déambule toute seule, je songe à ma vie, au passé, je revois des choses, beaucoup de choses, et je ne suis pas satisfaite de la manière dont j'ai construit ma vie. Je ne me suis jamais mariée, c'est sans doute une erreur. Le problème, c'est que j'avais toujours peur: au dernier moment, je m'enfuyais en courant. Je pensais, au fond, que je ne serais jamais une bonne femme d'intérieur. Et aussi qu'on appellerait mon mari M. Garbo…»

 
Elle fut Mata Hari et la Femme aux deux visages
En 1932, elle est la «Mata Hari» de George Fitzmaurice,
et elle achève sa carrière en 1941 avec «la Femme aux
deux visages» de George Cukor, très fraîchement
accueilli par la critique comme par le public. C'est
alors qu'elle quitte tout.


Dans le film que préférait… Staline

Seul le rôle de «la Reine Christine» devait trouver grâce
aux yeux de Greta Garbo; le personnage avait tout pour
la séduire: Suédoise, solitaire, aimant s'habiller en homme.
Ce fut le film préféré de Joseph Staline.

ELLE NE PARDONNERA JAMAIS D'AVOIR DU PERDRE 10 KG

    Son enfance a été assombrie par la pauvreté. Elle est née Greta Lovisa Gustafson, le 18 septembre 1905 à Stockholm, d'un père balayeur des rues, et elle refusera par la suite d'évoquer ses parents. «Pourquoi parlerais-je d'eux? Ils n'appartiennent qu'à moi! L'histoire de ma vie? J'ai fait la même chose que les autres. Je suis allée à l'école, j'ai travaillé, j'ai grandi.» Et se retrouve, à quinze ans, savonneuse chez un barbier. Quelques mois après, elle est engagée dans un grand magasin de Stockholm; du rayon emballage, elle passe bientôt à celui des vêtements pour dames avant de devenir modèle pour le catalogue du magasin. En 1921, elle fait ses premiers pas, non crédités au générique, à l'écran dans The Gay Cavalier. Trois ans plus tard, Mauritz Stiller la dirige dans la Légende de Gösta Berling. L'étoile de Greta, devenue Garbo, commence à se lever. Stiller est alors l'un des plus brillants metteurs en scène suédois. «J'avais un culte pour lui , dira Garbo. J'accordais ma vie aux plans qu'il me traçait. Il me disait ce que je devais dire et faire.»
    Au même moment, Louis B. Mayer traverse l'Atlantique pour «recruter les artistes européens qui coloniseront Hollywood». Il est frappé par Gösta Berling et propose un contrat à Stiller. Celui-ci acquiesce, mais à la condition que le producteur en signe également un à Greta. Le «mogol» fulmine, s'y résout enfin en lançant à Stiller: «Vous préviendrez votre protégée que les Américains n'aiment pas les femmes trop potelées!» Avant de s'embarquer pour les Etats-Unis, Greta s'acharnera donc à perdre dix kilos et ne pardonnera jamais cet affront.
    Le 6 juillet 1925, elle touche New York avec son mentor. Deux ans après, Stiller, incompris par le cinéma américain, reprendra le chemin du retour pour mourir le 8 novembre 1928 en tenant entre ses mains une photographie de Garbo. C'est cette même année que Louise Brooks, l'autre indomptable de l'écran hollywoodien, crois la Suédoise: «Je ne peux oublier ces instants bénis des dieux , écrit-elle, sa beauté, son génie, je ne peux aussi que m'indigner devant la stupidité de l'esprit humain qui continue à forger les plus aberrantes légendes autour de cette femme.»


Elle pose pour Cecil Beaton, son amant

«En vacances» de cinéma, et bien décidée à ne jamais revenir
dans les studios quels que soient les ponts d'or qu'on ne cessera
de lui offrir, Greta Garbo pose pour le célèbre photographe anglais
Cecil Beaton. Dans ses «Mémoires», celui-ci ne manquera pas de
signaler l'idylle qu'il noue alors avec la «Divine».

 
Traquée par les photographes
Où que ce soit à travers le monde, Greta Garbo ne cessera
jamais d'être épiée par les téléobjectifs des paparazzi: toujours
en fuite, toujours retrouvée.

    Pendant ce temps, Garbo vole de succès en succès, Anna Karenine d'Edmund Goulding, Anna Christie de Clarence Brown, Mata Hari de George Fitzmaurice, Grand Hotel d'Edmund Goulding, au point de figurer en 1932 en cinquième positon des «money makers» du box-office hollywoodien. On la voit hautaine, distante, secrète. Elle s'étonne: «On a voulu faire de moi une femme froide, parce que je ne prêtais pas grande attention aux déclaration des hommes, que j'aime aller seule sous la pluie et regarder longuement la mer, lorsqu'elle se brise sur les rochers. Mais on aurait tort de parler de Greta Garbo comme d'une indifférente…»

“HEUREUSE, QU'EST-CE QUE C'EST?”

    C'est pourtant ce que l'on fait. Quand il voit avec quelle raideur glacée elle traite son partenaire Laurence Olivier, Rouben Mamoulian gémit: «Bon dieu, existe-t-il un homme qui puisse me réchauffer cette femme?» Il en existe un: c'est John Gilbert. Qui remplacera Olivier et sera l'amant de Greta. Comme le seront après lui Leopold Stokowski, le chef d'orchestre Gayelord Hauser, le diététicien, George Schlee, millionnaire new-yorkaise, Cecil Beaton, le fameux photographe anglais.
    Mais, au fond, le succès ni l'amour ne satisfont Greta Garbo. C'est comme si elle traînait derrière elle une indéfinissable mélancolie, au point de s'exclamer un jour: «Heureuse, qu'est-ce que c'est? Je ne l'ai jamais été.»
    Elle a le monde à ses pieds et, d'une moue maussade, elle renonce à tout. Sauf à l'argent, qu'elle a économisé au point de se forger une solide réputation de pingrerie, et qu'elle a placé fort judicieusement, ce qui lui permettra de vivre le reste de son existence sans le moindre souci matériel.
    Le 31 décembre 1941, avait lieu au Capitol l'une des plus grandes salles de New York, la première de la Femme aux deux visages de George Cukor. C'était le dernier film de Greta Garbo et elle était, ce soir-là, la seule à le savoir. Au mot «Fin», Greta s'éclipsa. Pour toujours. En laissant retomber sur son sillage un voile impénétrable.
    Ensuite, commence la longue errance sans but qui a pris lundi 16 avril au petit matin. Greta Garbo avait quatre-vingt-quarte ans.
    Qui a dit: «Celui qui entre dans la mort en emportant le mystère de sa vie a volé à la fois et la mort et la vie»?      


CHRISTIAN GONZALEZ

 

from:   LE FIGARO,        21 Avril 1990
© Copyright by   LE FIGARO

 



 

English Press Article
  
  
Back to Menue                             German Press Article
  
 
International Press Article
  

 

... nach oben

© Copyright 2005 – www.GarboForever.com – Germany – TJ & John – The Webmasters