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Celle qu'on surnomma «La divine»
s'est éteinte à New York dans la solitude

Greta GARBO,
la plus mystérieuse
des légendes du cinéma!


Elégance, grâce, allure: à ces trois ingrédients
de la parfaite star hollywoodienne, Greta Garbo
ajouta le mystère et le silence.

    Garbo, en espagnol, signifie l'élégance, la grâce, l'allure. Quel nom aurait pu être mieux choisi pour cette Suédoise si mystérieuse dont la disparition, à 84 ans, marque la fin d'une époque pour le cinéma?
    Garbo, la divine, la grande Greta, selon les moments, restera avant tout un visage mais surtout un insondable mystère, pour avoir vécu près de la moitié de sa vie dans l'ombre. Secrète, fière et envoûtante, la divine «Anna Christie», «Mata Hari» ou encore «Reine Christine» s'est retirée alors qu'elle n'avait que 36 ans. Le regard déterminé, le visage parfait avaient pourtant survécu à la retraite anticipée de la star, et survivra sans aucun doute aujourd'hui à sa disparition. Garbo avait en quelque sorte habitué ses admirateurs à l'idée de sa mort, et il suffit de regarder, pour s'en convaincre, le nombre d'épitaphes qui lui furent adressées alors qu'elle était encore vivante.
    La divine ne voulait plus exister pour le monde des stars et on ne sait pour qui elle voulait encore vivre, depuis que le destin avait frappé plusieurs fois cette femme trop souvent incomprise…


Vedette suédoise, elle est prise sous contrat à la M.G.M. en 1925:
Louis B. Mayer, le puissant patron de la compagnie, a pressenti'
l'impact qu'il pourrait provoquer sur le public avec cette comédienne
à la Beauté incomparable. Elle dépassera ses espérances…

Greta Lovisa Gustafsson est née le 18 septembre 1905 à Stockholm. Son père et sa mère, Karl Alfred et Anna Lovisa, étaient d'origine paysanne et Greta n'a sûrement pas connu, dans son enfance, le luxe et l'opulence. Entre ses parents, sa sœur Alva et son frère Sven, la petite «Keta», comme ils la surnommaient affectueusement, a passé une enfance rude mais néanmoins heureuse. Les quelques personnes de son entourage qui ont pu témoigner sont toutes d'accord pour dire que la petite «Keta» était une enfant adorable, mais un peu sauvage et solitaire, aimant explorer les limites de son imagination, qu'elle avait féconde.
    Tel un cruel oiseau de proie, le sort n'allait pas tarder à s'abattre sur la tête de la petite «Keta». Fragile adolescente de quinze ans, elle a assisté aux souffrances et à la mort de son père, emporté par une maladie incurable après une année d'une atroce agonie. Greta vouait une admiration et un amour inconditionnels à son père et chacun sait ce que peut représenter un père dans le cœur d'une jeune fille.
    Cette douleur, déjà si atroce, avait été décuplée par les circonstances dans lesquelles le pauvre homme trouva la mort. Alors qu'il n'avait plus que quelques jours à vivre, Karl Alfred Gustafsson se rendit en compagnie de Greta dans l'hôpital le plus proche. Son état était pas besoin d'être un grand spécialiste pour se rendre compte qu'il fallait le soigner d'urgence. Quoi qu'il en soit, on n'envisageait pas les choses sous le même angle à l'hôpital, et ce n'est qu'après une longue attente dans un couloir sordide que le père de Greta Garbo, épuisé et agonisant, fut enfin interrogé par un membre du personnel, qui se soucia bien moins de son état de santé que de ses moyens financiers pour régler la note de son séjour dans l'établissement médical. Quelques jours plus tard, Karl Alfred Gustafsson poussait son dernier soupir. Greta, jeune fille romantique de 15 ans, avait assisté à tout le drame.

Blessure d'amour

    A cette époque déjà, Greta faisait preuve d'une grande indépendance et c'est ainsi qu'elle s'était inscrite à l'Académie Royale Dramatique de Stockholm. En Suède, pays d'avant-garde à bien des égards, le théâtre représentait, pour les femmes effrayées à la perspective de passer leur vie devant les fourneaux, une sorte de «planche de salut». Dynamique et fière de nature, Greta Gustafsson ne pouvait choisir que cette voie. N'était-ce pas elle qui disait à l'école: «Chaque fois que je me retrouve avec moi-même, je ressens un terrible aspiration pour le théâtre, car c'est là que se trouve tout ce que je recherche confusément…»?
    Malheureusement, le destin semblait en avoir décidé autrement. Greta fut rapidement contrainte de renoncer (temporairement) à ses ambitions artistiques car les cours d'art dramatique coûtaient fort cher.


En 1932, Greta Garbo rentre en Suède, peu après la mort
de Mauritz Stiller. Elle mesure l'étendue de sa popularité
et la fera payer cher à ce «négrier» de Louis B. Mayer.

    Au même moment, la jeune fille affronta une autre épreuve, très douloureuse à cet âge: un premier amour horriblement déçu. Elle avait rencontré William Sorensen. Il était jeune, beau et riche. Ils avaient les mêmes goûts artistiques et fondaient les mêmes espoirs dans la vie. Que leur fallait-il de plus pour être heureux? Ils songèrent au mariage et leurs parents étaient consentants. Pourquoi les noces n'eurent-elles jamais lieu? Greta ne l'a jamais dit et elle n'aimait pas revenir sur ce sujet. Ce qui est certain, c'est qu'elle a gardé jusqu'à sa mort cette blessure profonde qui n'a jamais pu se cicatriser.

Mélancolie naturelle

    Obligée très tôt de gagner sa vie, Greta fut engagée comme apprentie dans un salon de coiffure. Cela ne dura que le temps de trouver un emploi plus honorable et elle devint rapidement vendeuse au rayon mode du grand magasin P.U.B. (Paul U. Bergströms), à 35 dollars la semaine, ce qui est un salaire plus qu'honorable en juillet 1920. Elle semble enfin tenir sa revanche sur le mauvais sort qui l'a pourchassée pendant si longtemps. Remarquée par un photographe, elle ne tarde pas à devenir la «vedette» des catalogues du monde du P.U.B. Greta se prend à rêver…


Mauritz Stiller en compagnie de Pola Negri. Le metteur
en scène tomba follement amoureux de Greta Garbo
et la conduisit au firement.

    Greta va pourvoir surmonter sa mélancolie naturelle, don on trouve la trace la plus évidente dans une lettre à un ami intime: «Pour être honnête, je n'ai pas pensé à toi. Pour la bonne raison que je ne pense à rien. Je suis devenue presque indifférente à tout…»
    L'avenir se rappelle à elle grâce à Captain Ragnar King, directeur d'une compagnie publicitaire pour le cinéma, qui l'engage pour un petit film sur le thème «Comment ne pas s'habiller». Une comédie. Toujours au rayon mode de P.U.B., elle rencontre le metteur en scène Erik Petschler qui vient chercher des vêtements pour son prochain film. Il lui donne un petit rôle dans «Luffar Petter» (Le vagabond Pierre). C'était en 1922.


Greta Garbo et John Gilbert dans «La reine Christine»:
la passion qui unit les deux stars conduit Mauritz Stiller
à fuir Hollywood où triomphe celle qu'il aime et qu'il perd.

    A ce moment, Greta avait bel et bien décidé ce qu'elle voulait faire dans la vie: le cinéma serait sa profession. A la recherche de nouveaux engagements, elle est convoquée chez Mauritz Stiller, prestigieux metteur en scène suédois, d'origine finlandaise, qui cherche de nouveaux visages pour son prochain film.

Aucune chance

    Bien des années après leur première rencontre, Greta Garbo se souvenait parfaitement de ce qui avait été le premier tournant de sa vie:
    – Dès que j'ai enlevé mon manteau et mon chapeau, Mauritz Stiller m'a enveloppée d'un regard aigu, attentif. J'avais l'impression de me trouver devant un impitoyable objectif de caméra. Après m'avoir consciencieusement observée, il m'a demandé non numéro de téléphone, et je n'avais plus l'espoir d'être engagée. Lorsqu'on vous demande votre numéro de téléphone, vous pouvez être certain de n'avoir aucune chance!
    Pourtant, en dépit de son apparence hautaine et dédaigneuse, Mauritz Stiller avait été littéralement conquis par la grâce et le charme de cette jeune actrice sans expérience. Lors de leur deuxième entrevue, Stiller joua au chat et à la souris avec la jeune fille terrorisée. Mais, entre eux, les liens étaient pourtant noués: Greta avait conquis le cœur de celui qui allait la lancer au firmament. Il lui confie son premier grand rôle dans «La légende de Gösta Berling», qui reçut un accueil chaleureux du public. La critique salua cette actrice «à l'allure anglo-saxonne», tout comme la presse américaine, plus tard, vanta «son charme suédois». Elle avait 18 ans et, déjà, elle était Garbo.

Le négrier de la M.G.M.

    Dans la matinée du 6 juillet 1925, Greta Garbo et Mauritz Stiller débarquèrent à New York, à l'appel de Louis B. Mayer, le tout-puissant magnat de la M.G.M. qui, dès janvier, avait négocié un double contrat avec les deux Suédois. La lettre d'acceptation de Greta Garbo à Louis B. Mayer, pour un contrat de cinq ans la liant à la compagnie au lion rugissant, commençait ainsi: «Considérant que vous me fournirez un titre de transport en première classe…». Greta Garbo y marquait sin accord pour un salaire hebdomadaire de 400 dollars porté à 1.250 dollars «lorsque je travaillerai».
    Installée dans un appartement du Miramar Hôtel, Greta Garbo qualifia souvent le mogul de la M.G.M. de «négrier». Elle ne pouvait se faire à l'idée qu'un tel homme puisse donner des ordres à des artistes «alors qu'il n'était animé que par des soucis bassement financiers»! De temps en temps, ces tensions dégénéraient en véritables conflits. Avant le tournage de «La chair et le diable», que la star refusait de jouer, la M.G.M. la pénalisa d'une amende de 400 dollars. Pourtant, ce film devait asseoir la réputation mondiale de Greta Garbo et marquer sa rencontre avec le séducteur John Gilbert.


Face à Ramon Novarro dans «Mata-Hari»: «Je ne
fuis pas les hommes. Ce sont eux qui me fuient…»

«Mon amour sans bornes»

    Mauritz Stiller, dont la carrière suivait malheureusement une pente contraire à celle de sa protégée, ne supportait plus la vie à Hollywood. Un matin, il avait demandé à Greta:
    – A quoi bon s'attarder ici?
    Elle l'avait regardé avec, dans les yeux, une expression si singulière qu'il comprit qu'il ne devait pas insister. «Greta s'éloigne de moi», écrivit-il dans son journal intime. «Elle a un secret que je n'ai pas encore le droit de connaître. M'aime-t-elle encore?»
    Pendant que John Gilbert et Greta Garbo fêtaient le succès de «La chair et le diable» sur «La tentatrice», le yacht que John Gilbert avait baptisé ainsi en mémoire du précédent triomphe de sa bien-aimée, Mauritz Stiller, vieillissant et affreusement seul, partait sans faire de bruit. Lorsque Greta Garbo revint, elle trouva ce petit mot: «Je suis parti. Je vais porter à ta mère la nouvelle de ton triomphe. Désormais, tu n'as plus besoin de moi. Tu es victorieuse et tu vas monter plus haut. Mon amour sans bornes t'assistera toujours. Peut-être nous reverrons-nous. un jour, peut-être jamais. Sois forte, sois heureuse, Greta. La vie est à toi. Dieu te garde! Ton Mauritz.»


Après avoir inventé le slogan magique «Garbo parle!», lorsque
la star du muet devint triomphalement celle du parlant, les services
de publicité de la M.G.M. annoncèrent «Garbo rit» (Garbo laughs)
sur l'affiche de «Ninotchka», la comédie d'Ernst Lubitsch.

    Elle se précipita immédiatement au télégraphe et envoya ce message: «Reviens. Je t'attends et avec quelle impatience.» Mais Mauritz Stiller savait très bien qu'il ne devait pas revenir à Hollywood. Greta, elle, y était prisonnière de son contrat et des demandes en mariage répétées de John Gilbert.
    A deux reprises, Greta Garbo donnera son accord pour ce mariage. Deux fois, elle demanda aussi un délai de réflexion avant la cérémonie. La seconde fois, John Gilbert prit très mal la dérobade et il rompit toute relation avec ´celle que l'on avait déjà baptisée «La divine».

Un rire hystérique

    Elle se tourne alors vers Mauritz Stiller à qui elle écrit: «Je retournerai en Suède. Et je te ramènerai à Hollywood avec moi. Désormais, je suis forte. Je peux t'imposer. Maintenant, on m'écoute. Prépare pour moi un sujet merveilleux, tu viendras le réaliser ici au printemps prochain. Nous l'étudierons ensemble pendant le voyage. Dis-moi que tu acceptes, je t'en supplie. Je suis en train d'apprendre l'anglais à fond. Notre prochain film à Hollywood devrait être parlant…»
    Greta Garbo terminait le tournage de «Terre de volupté» lorsque, sur un plateau de la M.G.M., elle reçut le télégramme:
    «Stiller mort. Sa dernière pensée était pour toi. Maman».
    Son partenaire, Nils Asther, raconta:
    – Greta devint très pâle et s'accrocha au décor pour ne pas tomber. Ensuite, dans un silence glacial, elle revint vers moi pour achever le tournage de la scène. Une heure plus tard, je l'entendis dans sa loge partir d'un rire hystérique. Elle hurlait. Je suis entré et elle m'a montré un gros flacon de parfum avec une petite bouteille de Brandy à côté, et une carte les accompagnant: «Chère Greta. Je comprends votre peine. Mais le spectacle doit continuer. Louis B. Mayer».
    Le 5 décembre 1928, Louis B. Mayer des fiches de payement de la compagnie. Sans son accord, elle était soudainement repartie en Suède. Elle en revint trois mois plus tard, mais même pour Louis B. Mayer, il était désormais évident que sa «divine» était plus mystérieuse et plus secrète que jamais. Quelque chose en elle s'était cassé…

Sa première phrase

    «Garbo parle» (Garbo talks): le slogan magique inventé par les géniaux publicitaires de la M.G.M. envahit l'Amérique de 1930. «Anna Christie» est sur les écrans et la première phrase que la divine y prononce est: «Sers-moi un whisky, avec du Ginger Ale, et surtout ne lésine pas sur la quantité!» Devant cette voix grave et cet inimitable accent suédois, le public ne pouvait qu'applaudir et en redemander, encore et encore! Greta Garbo est l'une des rares étoiles à être passée du cinéma muet au parlant en augmentant sa popularité.

 
Greta Garbo traquée dans les rues de New York par les photographes
qui guettent sur son visage les marques de sa vieillesse solitaire. Elle
ne les fuit plus, se réfugiant dans son indifférence…

    Ses succès deviennent chaque années plus retentissants: «Comme tu me veux», «Mata-Hari» et «Grand Hôtel» pour la seule année 1932. Elle gagne à présent 2.500 dollars par semaine et obtient l'incroyable cachet de 250.000 dollars par film! Un record absolu pour l'époque. Avec, en outre, un droit de véto sur les comédiens, les metteurs en scène et les scénarios. Louis B. Mayer avait accepté de payer le prix pour garder sa star la plus fabuleuse. Il exigea cependant une discrétion totale sur le montant de cet accord, par crainte de provoquer une véritable révolution dans son écurie de stars.

Imaginer le bonheur

        Malgré son statut de star parmi les stars, Greta Garbo reste une femme simple. Le seul écart qu'elle se permet. c'est de pratiquer le naturisme, non pas sur une plage mais dans sa propriété. Elle déteste les soirées mondaines et ne porte quasiment jamais les toilettes somptueuses que le studio met à sa disposition.
 


Garbo parle!

    

En 1963, Raymond Daum, producteur de télévision pour les Nations Unies, la rencontre à l'occasion d'un réveillon de Nouvel An chez l'acteur Zachary Scott. Contre toute attente, Garbo se déride, sourit, et consent même à engager la conversation avec ce gentleman qu'elle ne connaît pas. Aurait-elle deviné en Daum un mai? Toujours est-il que la nuit ne suffira pas à leur conversation, et qu'il leur faudra toute une vie pour épuiser leur amitié fraîchement née. Sans jamais aborder la carrière ou la légende de la star, Raymond Daum a pourtant scrupuleusement noté tout ce que lui racontait Greta Garbo au cours de ces années. L'année dernière, il a confié son carnet au magazine américain «Life». Réflexions anodines mais d'autant plus précieuses qu'elles demeurent, chez Garbo, une exception à la règle d'or du silence.
    «Vous pouvez faire du café?», lui demande-t-elle un jour. «Je n'aurais jamais la patience d'attendre devant un percolateur que le café coule goutte à goutte. Je chauffe généralement de l'eau dans une casserole. Quand elle a bouilli, je jette le café dedans. Je laisse reposer quelques instants, puis je réchauffe. Ensuite, je passe le tout au filtre. Rien de plus simple, rien de meilleur.»
    «Je suis une célibataire comme vous», lui dit-elle encore. «Je ne sais pas cuisiner. Je me nourris uniquement de côtes d'agneau, de steaks et de hamburgers. Je n'achète jamais de produits surgelés. Je ne saurais qu'en faire.»
     Sur sa mort : «Si quelque chose devait m'arriver pendant le week-end, alors que ma servante est en congé, personne ne le saurait,. On ne s'apercevrait de ma mort que le lundi matin.»
     Sur les voyages : «J'aurais vingt ans, je parcourrais encore le monde. Mais, aujourd'hui, je n'en ai plus l'envie. Passer les frontières, montrer mon passeport, me faire enregistrer dans un hôtel, et supporter tous ces gens qui me diraient: “N'êtes-vous pas celle qui faisait du cinéma?”»
     Sur les gens qui fredonnent : «Je ne supporte pas que l'on fredonne dès que s'installe le moindre silence. C'est un signe d'ennui. Je me souviens d'un couple, dont le mari se mettait systématiquement à fredonner lorsque la conversation retombait. Les malheureux! Ils n'ont pas dû vivre bien longtemps ensemble.»
     Sur elle-même : «Même si on me donnait un million de dollars pour écrire ma biographie, je refuserais. Aujourd'hui, le moindre personnage public écrit ses mémoires. Quel intérêt?»
     Sur sa popularité : «Je ne demande pas que l'on s'intéresse à moi. Il me suffit de savoir que, quelque part, quelqu'un m'aime. Tout cela est tellement faux, tellement écœurant.»
     Sur Dieu : «J'aimerais croire en Dieu. Je ne serais pas dans un tel désarroi, et j'aurais au moins une certitude. Ah! si je pouvais fixer mon esprit sur quelque chose.»
    Greta Garbo n'a jamais été très loquace. Morte, elle le sera moins encore. Mais certains s'entendent à faire parler les morts, et il ne serait pas étonnant que l'on assiste, dans les mois à venir, à une floraison de biographies et de confessions plus ou moins déguisées. «Quel intérêt?», dirait Garbo.    

 

    Entre l'image qu'elle donne à travers ses rôles et la réalité d'une femme blessée et secrète, il y a déjà plus qu'un fossé. Dans un scène poignante de «La reine Christine», elle livre sans doute le secret de sa vie en murmurant: «J'ai imaginé le bonheur, mais le bonheur ne peut s'imaginer…»
    Bien sûr, elle accumule les aventures sans lendemain: le compositeur Leopold Stokowski, Ramon Novarro, Gavin Gordon, John Barrymore… Le docteur Gaylord Hauser réussit à la convertir aux biens du végétarisme. Mais elle quitta ce gourou de la bonne santé pour s'enfermer désormais dans le secret d'une vie protégée.
    – Je ne fuis pas les hommes. Ce sont eux qui me fuient. Je les effraye et je ne comprends toujours pas pourquoi.
    A l'époque où il était encore possible de la sortir de son mutisme, elle confia combien Mauritz Stiller était vraiment le seul homme qui avait compté dans sa vie:


L'image sublime que le cinéma laissera de sa plus mystérieuse légende…

    – Je lui dois tout. Je ne savais rien. Je n'étais qu'une paysanne inexpérimentée. Il m'a appris comment manger, comment tourner la tête, comment sourire, comment pleurer, exprimer l'amour ou la haine. Il fut un maître merveilleux. Dire que nous nous aimions est en dessous de la réalité. Quand il cessa de vivre, je fus comme un bateau sans gouvernail, perdue, atrocement seule.

Image volée

    En 1941, après le tournage de «La femme aux deux visages», Greta Garbo quitta Hollywood. Ou, plutôt, s'en éloigna. Au fil des ans, le public dut se rendre à l'évidence: elle ne reviendrait plus jamais.
    «Dans ce métier», disait-elle, «on peut être l'objet de mille attentions, on peut être aimé, entouré, encouragé… mais on reste seul, terriblement seul. Cela a toujours été le cas pour moi.» Et elle ajoutait, comme pour s'excuser: «Je n'ai jamais dit: “Je veux être seul”. J'ai seulement déclaré: “Je veux qu'on me laisse tranquille”. Voilà la différence!»
    A New York, au numéro 450 de la 52 e Rue, elle vivait dans un sept-pièces donnant sur l'East-River. Chez les commerçants, elle use de ses deux noms d'emprunt préférés: Jay Cable ou Harriet Brown. Au fil des ans, ses proches sont morts, restreignant encore le nombre de personnes autorisées à franchir la porte de son appartement. La plupart du temps, c'est elle qui appelle au téléphone, disant simplement à son interlocuteur:
    – Hello, ici G.G.!
    Depuis bien longtemps, elle avait décidé de ne plus fuir les photographes tentant de voler d'elle une image de sa vieillesse. Son indifférence lui tenait lieu de protection rapprochée. Elle ne célébrait plus ses anniversaires, préférant aller se coucher tôt. Dans sa chambre, un portrait d'elle, au temps de la M.G.M., lui rappelait qu'elle avait été une reine. Image qu'elle contemplait avec la surprise de voir cette intruse partager quotidiennement sa chambre de recluse…

Gérard NEVES


1932: «Grand Hotel»,
avec John Barrymore.


1932: «As you desire me» (Comme tu me veux),
avec Erich von Stroheim.


1936: «Camille» (Le roman de Marguerite Gautier),
avec Eily Malyon et Robert Taylor.


1937: «Conquest» (Marie Walewska),
avec Charles Boyer.


1939: «Ninotchka»,
avec Melvyn Douglas.


1941: «Two-faced woman» (La femme aux deux visages),
avec Roland Young et Ruth Gordon.

 


Sa filmographie
1922: «Luffar Petter» (Le vagabond Pierre, de E. A. Petschler); 1924: «Gösta Berlings saga» (La légende de Gösta Berling, de Mauritz Stiller); 1925: «Die freudlose Gasse» (La rue sans joie, de G. W. Pabst); 1926: «The torrent» (le torrent, de Monta Bell), «The temptress» (La tentatrice, de Fred Niblo); 1927: «Flesh and the devil» (La chair et le diable, de Clarence Brown), «Love» (Anna Karénine, d'Edmund Goulding); 1928: «The divine woman» (Une femme divine, de Victor Seastrom/Sjöström), «The mysterious lady» (La belle ténébreuse, de Fred Niblo); 1929: «A woman of affairs» (Intrigues, de Clarence Brown), «Wild orchids» (Terre de volupté, de Sidney Franklin), «The single standard» (Le droit d'aimer, de John S. Robertson), «The kiss» (Le baiser, de Jacques Feyder); 1930: «Anna Christie» (version américaine, de Clarence Brown), «Anna Christie» (version allemande, de Jacques Feyder), «Romance» (de Clarence Brown); 1931: «Inspiration» (L'inspiratrice, de Clarence Brown), «Susan Lennox: her fall and rise» (La courtisane, de Robert Z. Leonard), «Mata Hari» (de George Fitzmaurice); 1932: «Grand Hotel» (d'Edmund Goulding), «As you desire me» (Comme tu me ceux, de George Fitzmaurice); 1933: «Queen Christina» (La reine Christine, de Rouben Mamoulian); 1934: «The painted veil» (Le voile des illusions, de Richard Boleslawski); 1935: «Anna Karenina» (Anna Karénine, de Clarence Brown; 1936: «Camille» (Le roman de Marguerite Gautier, de George Cukor); 1937: «Conquest» (Marie Walewska, de Clarence Brown); 1939: «Ninotchka» (d'Ernst Lubitsch); 1941: «Two-faced woman» (La femme aux deux visages, de George Cukor).

 

 

from:   CINÉ-TELE-Revue,        1990, No. 16
© Copyright by   CINÉ-TELE-Revue

 



 

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