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Greta Garbo vue par Françoise Rosay

En 1928, Françoise Rosay part pour Hollywood. Elle accompagne son mari, le metteur en scène, Jacques Feyder, qui a été engagé par La MGM. À Hollywood, le couple est invité par l'acteur allemand Emil Jannings. C'est là qu'ils font la connaissance de Greta Garbo avec qui Feyder tournera deux films. Voici ce que raconte Françoise Rosay au sujet de Garbo:

«Le soir de notre dîner chez Jannings à Hollywood, Greta Garbo est arrivée, superbe, en tailleur très sobre, un peu masculin, avec une blouse et une fleur à la boutonnière. Elle était vraiment très bien. Grande, cheveux châtains clair, pas teints. Quand elle faisait un effort, elle se mettait un peu de poudre. Pas de rouge à lèvres ou très peu. Elle se mettait aussi un peu de noir aux cils qu'elle avait comme des ailes de papillon. Quand Marlène Dietrich est arrivée à Hollywood et qu'on l'a annoncé comme une nouvelle Greta Garbo, comme elle n'avait pas de cils, elle s'en est mis des faux. Elle dormait même avec. C'est depuis cette époque-là que toutes les femmes ont des faux cils. Grâce à Marlène, mais indirectement à cause de Garbo.

Au fond Greta était très timide et très simple dans la vie et merveilleuse dans son jeu. Je l'ai beaucoup vu pendant le travail. Elle était assez naïve et fort gênée par son immense succès. Une femme s'était jetée sous sa voiture. Elle trouvait dans sa maison des gens qui y pénétraient par la fenêtre pour la voir de près. C'était quelque chose d'extraordinaire ! Elle est souvent venue chez nous parce que Jacques et moi-même l'aimions bien. C'était une fille qui, sans le vouloir, provoquait, parce qu'il se dégageait d'elle une sorte de fluide. Vous pouviez avoir chez vous, les beautés les plus rares, Greta arrivait, sans maquillage, en savates, le cheveu sur le nez, eh bien, les hommes présents s'interrompaient au milieu d'une phrase et se précipitaient.

Toutes les beautés restaient là, bien coiffées et vexées. Dans la rue, Greta Garbo portait déjà ses fameuses lunettes qu'elle enlevait dès qu'elle sonnait à votre porte. Elle acceptait très peu d'invitations; évidemment, c'est assez tragique d'inspirer ainsi de la passion à tout le monde parce que tout le monde se permet n'importe quoi. Elle craignait les manifestations intempestives et refusait généralement les invitations. Lorsque l'ambiance d'un dîner était plaisante, elle devenait de plus en plus détendue et même gaie, elle ne partait plus. Il lui arrivait de danser la bourrée. Elle rentrait chez elle, à quatre heures du matin, en se disant sans aucun doute ; "Ah mon dieu qu'est-ce que j'ai fait?". Elle fermait les volets, elle vivait seule dans le noir, simplement avec des chandelles. Sa seule compagnie: une bonne et un chat. Pauvre Garbo!

D'extraction très modeste, elle avait été vendeuse puis elle avait travaillé le théâtre, ce qui lui a permis de continuer à tourner après l'avènement du parlant. De son enfance peu fortunée, elle avait gardé une curieuse horreur des banques. À Hollywood, elle était très bien payée, elle aurait pu avoir tout ce qu'elle désirait, mais en définitive, elle n'était pas heureuse. Elle continuait à ne pas faire confiance aux banques, alors elle conservait tout l'argent qu'elle gagnait.

Elle avait commencé par les pièces de monnaie qu'elle entassait en mesurant le tas comme on fait pour les bouteilles. Pour que les domestiques ne boivent pas le bordeaux on faisait un trait sur la bouteille, elle, elle faisait un trait sur son argent. Cela montait très rapidement. Après, elle a bien été obligée de collectionner les billets de banque. Au moment de la fameuse dépression, des faillites et des suicides, sans parler du chômage, au moment où les banques suspendaient leurs paiements, elle disait: "Vous voyez bien que j'avais raison"» Et c'était vrai!...

Au studio Greta arrivait toujours à l'heure, neuf heures du matin, sans jamais être en retard. Elle avait un merveilleux opérateur, William Daniels, qui était amoureux d'elle. Le dimanche il faisait de l'aviation. Avec son avion personnel, il tournait autour de la maison de la femme qu'il aimait, qu'il adorait. Il rentrait mélancoliquement et, le lundi, il recommençait à tourner. Dès qu'elle était maquillée, Greta allait manger un "petit morceau" – la ligne, toujours la ligne ! – après quoi elle tournait toute la journée. On s'arrêtait à six heures. Lorsque six heures sonnaient, tout était fini: plus de femme romantique, plus de grâce, plus de langueur. Elle prenait ses jupes à pleines mains et partait au galop. Elle courait comme une garde-barrière qui est en retard quand le train passe. Elle était toujours suivie par sa doublure.

[…]

Je pensais souvent à la vie que devait mener la doublure de Greta Garbo. Dans les films, Greta était toute langueur, sensualité, sensibilité. Elle avait beaucoup de grâce et de la lenteur dans certains de ses gestes. Comme le double doit ressembler exactement à l'interprète, je me figurais que celui de Greta devait vouloir être son personnage nuit et jour. J'imaginais la jeune femme allant acheter une côtelette en voulant "rester Garbo"! Alors que dans la vie, Greta était assez "garçon", directe, sportive. Elle n'était pas positivement gaie mais elle riait beaucoup, elle sortait de son personnage et tandis qu'elle dansait la bourrée, la malheureuse doublure devait continuer à jouer les mélancoliques, les tristes. Ce n'était pas rien d'être le double de la Divine!

[…]

Greta Garbo n'était pas heureuse, au fond, car elle n'aimait pas l'Amérique, elle regrettait sa Suède natale. Après avoir été vendeuse et fait du théâtre. Elle avait rencontré un très grand metteur en scène, Mauritz Stiller, qui faisait de très bons films. Il l'avait engagé pour La Légende de Gösta Berling où elle fut remarquable. Je crois que Stiller était très amoureux de Garbo quand ils sont arrivés ensemble à Hollywood. C'est Louis B. Mayer qui les avaient engagés tous les deux. Malheureusement, Mauritz Stiller n'a pas pu s'adapter en Californie, il a fait quelques films dont il n'était pas le maître et qui ne lui plaisaient pas. Il a été très déçu de ne pas pouvoir diriger Greta et c'est pourquoi il a quitté la Metro pour aller à la Paramount.

Dès son premier film américain, Garbo avait suscité l'enthousiasme des techniciens et, tout de suite, cela a été un succès délirant. On ne regardait que la Divine . Le pauvre Stiller est reparti pour la Suède où il est mort très tôt. Quant à Greta Garbo, qui devait tout à Stiller, elle est restée, ce qui était normal puisqu'elle était devenue d'un seul coup une grande vedette de la Metro-Goldwin-Mayer. Elle a fait une carrière admirable, merveilleuse, Chaque fois qu'Irving Thalberg devait renouveler son contrat, elle disait:

Je ne signerai pas, je rentre à la maison, j'en ai assez de cette Amérique, j'en ai par-dessus la tête!

Elle entrait dans le bureau de Thalberg et en sortait une heure plus tard. Elle avait signé et était de bonne humeur. Tout recommençait. Elle avait une immense confiance en Thalberg et elle avait raison car cet homme savait très bien de quoi elle était capable. C'est lui qui choisissait les scénarios. Elle n'avait confiance qu'en lui. On s'est souvent demandé pourquoi Greta avait abandonné le cinéma si rapidement et on a trouvé toutes sortes de raisons. Moi, je la comprends bien. Greta était une femme méfiante. Grâce à Thalberg, elle n'avait pas eu un seul film raté, simplement un ou deux qui était moins bien que les autres. Après la mort d'Irving Thalberg, elle n'a presque plus tourné. On lui a fait des offres étonnantes, elle les a refusées. Elle ne voulait voir personne, elle n'avait plus confiance, elle ne voulait même pas écouter les gens qui l'aimaient beaucoup et qui étaient à ses pieds.

Il n'y avait absolument rien eu entre elle et Thalberg, mais c'était le seul en qui elle croyait. Bien des années plus tard, elle a presque tourné en Italie. Presque. Un Américain, qui est mort depuis, était devenu en quelque sorte son agent et il essayait de la ramener au studio, Une affaire avait presque était faite pour un film que Max Ophüls devait tourner en Italie, mais l'Américain avait exigé cinquante pour cent des recettes rien que pour "prêter" Garbo. Les producteurs ont évidemment refusé. Max Ophüls me l'a raconté. Il avait été très ennuyé de dire à Greta qu'elle ne pouvait pas jouer dans son film parce qu'elle était trop chère. Elle n'a jamais plus tourné.»

Tirée de: La Traversée d'une vie , Françoise Rosay , Robert Laffont, 1974.

Alors que Jacques Feyder va enfin commencer le tournage de The Kiss avec Greta Garbo, Françoise Rosay décide de retourner en France pour retrouver ses enfants et, dit-elle: « de le laisser (son mari) en tête à tête avec Greta Garbo… C'était une politesse, il faut savoir être polie. » Elle ne vit jamais The Kiss . Elle revint 8 mois plus tard accompagnée de ses trois fils. Le couple loua une maison sur les collines de Brentwood qui devint un petit «centre franco-américain» où ils instituèrent le «dimanche parlant français». Tous les Français et francophiles d'Hollywood s'y retrouvaient, ainsi que les autres Européens, dont Greta Garbo et Salka Viertel et quelques Américains. Tout ce beau monde arrivait à l'heure de l'apéritif pour repartir vers deux heures du matin.
Françoise Rosay quittait définitivement Hollywood 18 mois plus tard (en juillet 1931), suivi par Jacques Feyder en 1932. Il n'y a aucune indication que Greta Garbo et les Feyder se soient revus par la suite. Jacques Feyder est décédé en 1948 et Françoise Rosay en 1974.

 

 

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