Les beaux Films et les Vedettes de l'Écran

GRETA GARBO
DEVIENT REINE

Greta GARBO et John GILBERT
dans une scène de «La Reine Christine».

GRETA GARBO vient de reparaître sur les écrans du monde dans un nouveau film: La Reine Christine, où elle connaît un triomphal succès.
    Dans l'histoire amoureuse des siècles, la reine Christine de Suède est une figure des plus remarquable. Ce n'est pas la volupté seule qui l'attirait, elle recherchait aussi les plaisirs de l'esprit et la douceur du sentiment.
    On comprend qu'incarner le personnage de cette reine ait été une des ambitions artistiques de Greta Garbo, sa compatriote. Sans être une femme fatale, Christine n'en a pas moins été funeste à quelques-uns de ses amants, et tel d'entre eux périt de male mort sous les coups d'un rival jaloux.
    On a l'habitude de dire d'une star comme Greta Garbo, quand elle interprète un nouveau rôle, que c'est le plus beau de sa carrière. Cette fois, c'est la vérité. C'est une renaissance de la mystérieuse Greta qui, au temps du muet, envoûta littéralement le public. Son charme, dans ce film parlant, la profondeur de ses yeux, sa voix émouvante, la jeunesse et la majesté de son jeu, tout y provoque l'admiration et l'enthousiasme.
    Elle a, d'ailleurs, pour partenaire, John Gilbert, de séduisante mémoire, qui a fait une belle création du rôle de l'ambassadeur d'Espagne amoureux de la reine.

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    Greta Garbo domine tout le film par la puissance et la sombre sincérité de son jeu. Elle n'a eu que peu de peine sans doute à s'identifier au personnage de la reine soldat et elle se contente d'être elle-même devant la camera. Ce film nous révèle, mieux qu'aucun de ceux qu'elle a interprétés jusqu'à présent, quelques aspects de sa mystérieuse personnalité, timide et passionnée derrière une apparence hautaine et froide. Dans une des scènes principales, une foule irritée assiège les portes du palais et le conseiller de la reine presse Christine de paraître au balcon pour calmer la populace ; la reine résiste et refuse. Puis: «Me faut-il donc sourire pour les masses? demande-t-elle. – Ce ne serait pas trop faire pour le peuple», répond le conseiller. La reine apparaît alors au balcon et se montre à la foule, mais elle ne sourit pas…
    Ce trait ne nous peint-il pas Garbo tout entière?

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    Greta Garbo est une des artistes de Hollywood qui a toujours osé être elle-même, sans se soucier de l'opinion du reste du monde. Elle n'est pas ingrate, elle apprécie son succès et elle paie sa dette au public en lui donnant le meilleur d'elle-même dans chacun de ses films, mais elle a absolument refusé d'assumer l'attitude d'une personne socialement intéressée… simplement parce qu'elle ne l'est pas.
    La septième année marque généralement le point culminant de la carrière d'un acteur ou d'une actrice de cinéma, qui subit souvent, dans les années qui suivent, un cruel déclin.
    Greta Garbo, elle, a commencé la septième année de sa triomphale carrière avec un éclat tout nouveau. Que lui réservent les années qui vont suivre, et que décidera-t-elle? Personne ne peut le prévoir.
    Greta Garbo n'est pas seulement une actrice populaire, c'est une véritable idole. On l'aime passionnément ou pas du tout. Cependant, les personnes qui prétendent ne pas l'aimer ont assez d'intérêt pour elle pour ne pas manquer un seul de ses films.
    En ces dernières années, bien des artistes, bien des jolies femmes sont venues à Hollywood. Elles étaient toutes prêtes à prendre place, ou du moins à s'en créer une similaire. Garbo n'y a jamais prêté la moindre attention. Mais chacune de ses nouvelles créations prouve que son talent, loin d'être éphémère, est, au contraire, constamment en progrès.
    Quelques-unes de ces jeunes femmes ont réussi à se faire une renommée personnelle dans le cinéma, mais la plupart ont disparu, vite oubliées.
    La DÈPRESSION actuelle, même, écrite en lettres majuscules par le monde entier, et qui se fait sentir lourdement dans les milieux de théâtre et de cinéma, ne concerne nullement Greta Garbo. D'ailleurs, toute la carrière de Garbo est un démenti aux règles précemment établies. Ses débuts au cinéma étaient absolument contraires à toutes les habitudes et, elle-même, était l'opposé de la vedette alors en vogue. Celle-ci était un petit paquet de nerfs, d'énergie, agité de mouvements continuels. Elle fit sa première apparition à l'écran aux Etats-Unis dans Le Torrent , aux studios Metro-Goldwyn. Ricardo Cortez, alors à l'apogée de sa carrière, en était le héros. On avait découvert une nouvelle personnalité. Mais qu'était-elle donc pour soulever ainsi l'enthousiasme de chacun? Elle n'était certainement pas une ingénue, encore moins une sirène. Elle était différente de toutes et toutes voulurent l'imiter. Les salons de coiffure ne faisaient plus que des coupes de cheveux à la Garbo; les vitrines des magasins de modes ne contenaient que des modèles semblables à ceux que l'actrice portait à l'écran. Tout le monde affirmait, d'ailleurs, que cela ne durerait pas. Mais on s'aperçut bien vite qu'on s'était trompé. Même aujourd'hui, après sept années, l'annonce d'un film de Garbo est un événement.

Un récent portrait de Greta GARBO.
Deux attitudes de Greta GARBO
dans «La Reine Christine».

    Les gens n'hésitent pas à attendre une heure on deux pour obtenir une place dans le cinéma où elle paraît, et toutes les femmes remarquent avec attention les moindres détails de ses toilettes afin de les copier.
    Greta Garbo a joué quatre ans dans les films muets, et trois ans dans les films parlants. Le public s'attendait un peu à ce qu'elle disparaisse avec le film parlant, mais il ne connaissait pas encore la force de caractère de la jeune femme. Après trois ou quatre mois de réclusion, elle reparut. Sa voix était exactement ce que l'on pouvait attendre. Comme Greta Garbo elle-même, elle était différente, profonde et gutturale.
    Une intime de Greta Garbo depuis l'arrivée de la jeune Suédoise aux États-Unis dit qu'elle aurait préféré ne pas être «star». Sa carrière est tout à fait contraire à sa nature timide et renfermée. D'un autre côté, le cinéma l'intéresse. Elle pourrait, dit-elle, quitter l'écran dès demain et ne jamais le regretter. Cependant, lorsqu'on lui assigne un rôle, elle oublie tout pour devenir le personnage qu'elle interprète. Elle déteste la médiocrité.
    Quel sont les projets de Greta Garbo pour l'avenir? Nul ne le sait. Si elle continue à faire du cinéma, elle restera toujours la mystérieuse et l'unique Garbo. Si elle quitte Hollywood comme on lui en a prête l'intention, elle s'en ira sans doute comme elle est venue, demeurant une énigme indéchiffrable.

René STUDY.