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Greta Garbo dans «Grand Hôtel», où elle
personnifie une danseuse russe déçue
par la vie et s'accrochant pourtant à l'espoir.

Greta Garbo
la Mystérieuse

GRETA GARBO! Marlène Dietrich!
     Deux noms illustres du cinéma d'aujourd'hui.
     Charlie Chaplin, lui, ne figure plus parmi les vedettes de l'écran portées au rang d'idoles. C'est que par l'obstination – justifiée, disent ses thuriféraires – qu'il met à ne pas vouloir faire de films parlants, Charlie Chaplin s'est volontairement exilé de tous les écrans dont les propriétaires veulent prouver à leur clientèle qu'ils marchent du même pas que le progrès. Mais peut-être convient-il de ne pas trop s'attrister de ce que Charlot soit déjà un dieu déchu, car son histoire est assez belle et assez riche pour faire figure de légende; et puis, n'est-ce pas toujours autour de figures féminines: Rachel, Sarah Bernhardt, La Duse, Réjane, que, dans le domaine du spectacle, l'imagination de la foule s'est cristallisée?
     Greta Garbo et Marlène Dietrich continuent une tradition.


Née sous 60 degrés de latitude Nord, Greta Garbo a la
beauté blonde des Scandinaves. C'est sous cet aspect
qu'elle nous apparaît ici; mais elle a aussi personnifié
les personnages les plus opposés à son type.

AVANT chacune un nombre à peu près égal de partisans animés d'un même fanatisme, Greta et Marlène sont pourtant bien différentes l'une de l'autre.
     Sans entrer dans le détail de la comparaison que l'on pourrait établir entre elles, il est impossible pourtant de ne pas remarquer que l'artiste allemande ne nous a jamais présenté qu'un seul personnage: que ce soit dans L'Ange bleu, dans Morocco, dans X-27, dans Shanghaï-Express ou dans La Vénus blonde, il s'agit toujours d'une femme plus ou moins sournoisement dressée contre la Société, en marge de laquelle elle vit – chanteuse de café-concert ou espionne – et qui, par l'amour qu'elle inspire ou par celui qu'elle éprouve, se trouve pour un temps tirée de sa condition, dans laquelle elle retombe fatalement parce que cette condition est la seule qui puisse s'accorder avec sa nature.
     Et elle s'est si totalement identifiée avec ce personnage que les auteurs qui travaillent pour elle ne peuvent pas ne pas la voir dans l'œuvre à venir telle qu'elle était dans l'œuvre passée et que, obéissant probablement bien plus à la Fatalité qu'à un désir de succès facile, ils lui redonnent le costume, les gestes – et les occasions de faire ces gestes, – les partenaires et les thèmes musicaux auxquels elle nous a habitués d'un seul coup, parce qu'ils font corps non seulement avec son personnage, mais avec elle-même.

L'ARTISTE DANS SA LOGE

Ily a très que de photographies intimes de Greta Garbo,
qui s'est appliquée à ne rien livrer au public de sa vie privée
En voici pourtant une qui nous la montre dans sa loge,
prête à affronter les feux des sunlights.

Derrière le masque?

LE clavier de l'artiste suédoise est beaucoup plus étendu et la galerie de personnages dont nous lui sommes redevables bien plus riche.
     Qu'y a-t-il, en effet, de commun entre l'ingénue romantique de La Légende de Gosta Berling – où Maurice Stiller, l'auteur du Trésor d'Arne, du Monastère de Sendomir, ces chefs-d'œuvre de l'art cinématographique suédois, lui fit faire ses véritables débuts en 1923 – et l'amoureuse de La Chair et le Diable , ou entre la misérable petite bourgeoise de Vienne qu'elle animait d'un si douloureux, d'un si touchant réalisme dans La rue sans joie de Pabst, et l'étrange et inattendue danseuse de Mata-Hari, ou enfin entre la créature résignée qu'était Anna Christie, la révoltée de Courtisane et la déçue, s'accrochant malgré tout à l'espoir, de Grand Hôtel?
     Naturellement tous ces personnages ne s'adaptent pas, avec un égal bonheur, à la nature et aux moyens de Greta Garbo, et cette identification nous apparaît souvent d'autant moins parfaite que, depuis que le film parle, l'artiste suédoise n'est presque jamais apparue sur les écrans français avec sa personnalité complète: c'est ainsi que, pour ne tenir compte que de ses derniers films, Mata-Hari et Grand Hôtel nous ont été présentés dans des versions «doublées» dont le moins qu'on puisse dire est qu'elles n'ont, avec la perfection, que de très lointains rapports.
     Peut-être est-ce à cela – la parole – que Greta Garbo doit d'avoir perdu une partie de ce qui faisait son charme dans les films muets, ce charme qui lui venait de ces grands yeux aux regards voilés et mélancoliques même dans le sourire, de cette bouche dont on ne sait jamais si les lèvres vont s'entr'-ouvrir pour un mot tendre ou se contracter sur un sanglot, de ce visage aux pommettes un peu asiatiques et au menton fondant.

AU temps du cinéma muet, le visage de Greta Garbo était à lui seul un mystère complet que chacun subissait, cherchait à pénétrer et qui se doublait de celui dont il était lui-même de la «star»: «Greta Garbo la mystérieuse», la formule est facile, on l'a adoptée une fois pour toutes et on s'en sert pour opposer l'artiste suédoise à ses rivales, chaque fois qu'une de celles-ci se marie, divorce ou se livre à un de ces petits scandales savamment combinés qui – mariages, divorces, aventures – ont valu à une Gloria Swanson et à une Lily Damita la plus grande part de leur renommée et dont une Marlène Dietrich, elle-même, n'a pas toujours cru pouvoir se passer. Et on s'en sert encore, chaque fois que, faisant un voyage qui n'est qu'un voyage et non une tournée de publicité, Greta Garbo prétend déjeuner ou faire une promenade avec des amis qui ne soient pas journalistes.
     Mais pur être employée à tout propos et même hors de propos, cette formule cache peut-être, malgré tout, une réalité qui la justifie, à moins que ce mystère ne soit explicable de la façon la plus simple et la plus humaine.

A HOLLYWOOD – capitale du Cinéma américain – chacun ne vit que pour et par le cinéma, ce qui revient à dire que tous ceux et toutes celles qui possèdent un semblant de notoriété y sont l'objet de toutes les curiosités et se doivent de répondre à ces curiosités.
     Une «star» – une vraie – doit donc avoir un secrétariat, un bureau de publicité qui réponde à toutes les lettres qu'elle reçoit – et il y en a: Clara Bow au moment de sa plus grande vogue en recevait plus de cent par jour, – qui accueille comme il convient les reporters, les interviewers, les collectionneurs et les agents de publicité de firmes commerciales quémandant un autographe, une attestation.
     De leur côté, les «publicitymen» des firmes dont les «stars» sont les pensionnaires ne restent pas inactifs, et dans la nécessité où ils sont d'aller toujours de plus fort en plus fort, afin que la curiosité qu'ils ont eu l'habileté de faire naître ne s'épuise pas, ils en arrivent rapidement à ne plus connaître aucune mesure et à se livrer aux écarts d'imagination les moins excusables, à tel point que l'on a vu quelquefois ces indiscrétions aller à l'encontre des intérêts mêmes qu'elles voulaient servir.
     La plupart des «stars», lorsqu'elles n'entrent pas dans le jeu en fournissant elles-mêmes à la curiosité de leurs admirateurs l'aliment plus ou moins frelaté qui lui est nécessaire, se soumettent d'assez bonne grâce à cette contre-partie de leur gloire, mais il en est qui en sont profondément et sincèrement ennuyées.
     Greta Garbo est de celles-là, et dès son arrivée à Hollywood elle refusa de s'y soumettre.
     Pour comprendre cette attitude, si exceptionnelle, il n'est pas inutile de savoir ce qu'est Greta Garbo quant à son origine et à sa formation.


Un des portraits préférés de
Greta Garbo la mystérieuse.

De la boutique au studio

GRETA GUSTAFSSON est née à Stockholm en 1905, dans une famille de petits commerçants qui habitait – car la vie était dure pour elle – un vaste immeuble populaire dans un des faubourgs de la ville.
     «Mon enfance fut grise et nue, a-t-elle écrit elle-même quelque part. J'en ai gardé un souvenir qui symbolise à merveille sa tristesse et son dénuement: une longue soirée d'hiver, le père griffonne des chiffres dans les marges de son journal, la mère ravaude des hardes et soupire, les enfants parlent bas ou regardent silencieusement des images. Au dehors la neige tombe. Une sorte de présence sans nom nous impose à tous le fardeau d'une menace obscure: on a l'âme mal à l'aise. Le vent qui gémit prête une voix à notre tristesse. Il semble que cette soirée ne finira jamais, ou plutôt que nous l'avons déjà vécue cent fois, mille fois et que nous la revivrons à des intervalles réguliers interminablement, comme des prisonniers qui ne changeront jamais de cellule
     Pour qui sait à quelle profondeur les impressions de l'enfance se gravent dans certaines âmes, ces quelques lignes doivent expliquer le mystère Greta Garbo.
     Au sortir de cette enfance, tout naturellement pleine de rêveries, la petite Gustafsson entre à l'école, puis, obligée de gagner sa vie et l'âme encore alourdie par la mort de son père et d'une sœur, elle est engagée comme vendeuse au rayon de modes dans un grand magasin de nouveautés dont le directeur l'élève bientôt au rang de mannequin et la désigne pour poser les photos qui devront être reproduites dans ses catalogues: les premières photos de celle devant qui, quelques années plus tard, les plus réputés servants de la «camera» s'agenouilleront pour qu'elle leur fasse l'aumône d'un sourire.
     Une amourette pour un camarade d'enfance, élève à l'Université, marque cette période laborieuse, une amourette à laquelle le départ de l'étudiant met fin, une amourette qui, à la mélancolie naturelle de Greta, à la tristesse née de ses deuils familiaux, ajoutera l'amertume d'une déception et d'un regret momentané.
     Puis la jeune fille est remarquée par un agent de publicité qui fait de petits films pour les grands magasins dont elle est l'employée: Greta Gustafsson fait son entrée dans le cinéma par la petite porte, la toute petite porte.
     Mais très vite, dans le studio où elle apporte à la confection de ces petits films publicitaires la collaboration – dont ils ne sont pas dignes – de son joli visage, un metteur en scène la remarque et lui offre un engagement pour «tourner» de vrais films. Après de longues hésitations, elle accepte et, bien décidée à se consacrer à l'art aussi sérieusement que jusqu'alors au commerce, elle prépare l'examen d'entrée au Conservatoire royal.
     Elle y est reçue, y travaille pendant deux ans au bout desquels, après a voir tenu le rôle principal de La Dame de la mer d'Ibsen, dans une représentation qui tient lieu d'examen de sortie, elle est engagée au Grand Théâtre de Stockholm.
     Pendant un an, Greta interprète des rôles quelconques sur la scène de ce théâtre sans se douter que la représentation de La Dame de la mer, qui lui a valu son engagement, a eu une autre conséquence dont l'importance va bientôt lui apparaître: Maurice Stiller, le plus brillant, le plus pur représentant de l'art cinématographique scandinave, a assisté à ce spectacle et l'y a remarquée.
     Pendant un an, Stiller pensa à Greta, pressentant tout ce qu'elle pouvait exprimer et cherchant l'occasion de l'utiliser comme elle le méritait. Enfin cette occasion se présenta quand Stiller entreprit de porter à l'écran La Légende de Gosta Berling, de Selma Lagerlof: il engagea Greta Gustafsson, la fit travailler avec autant de patience que d'intelligence, éveilla en elle tout ce qu'il y avait de sensibilité et révéla au public des salles cinématographiques Greta Garbo qui, consciente et reconnaissante, écrira un jour: «Je lui dois tout ce qui existe au monde et tout ce dont je jouis.»
     Il n'est sans doute pas besoin de continuer à relater ce que fut la vie de la «star» à partir de ce jour – toutes les étapes en sont connues, – mais il n'est peut-être pas inutile de rappeler que si Greta Garbo alla en Amérique, elle le dut à Maurice Stiller qui la fit engager par la grande firme pour laquelle il travaillait depuis peu.
     Ainsi le grand metteur en scène se retrouve une seconde fois – et l'on peut affirmer que ce n'est pas simplement par hasard – mêlé à la vie de Greta Garbo.
     Dès son arrivée en Amérique, la jeune Suédoise s'aperçut qu'elle n'était pas faite pour la vie qu'elle allait avoir à mener et que si, non sans efforts, elle devait arriver à plier son être physique aux exigences de son métier tel qu'elle allait avoir à le pratiquer dans les studios d''Hollywood, elle ne réussirait certainement pas à y soumettre son être moral.
     «Je me suis aperçue, a-t-elle dit un jour à un de nos confrères, que les journalistes qui m'interrogeaient à mon arrivée en Amérique avaient écrit leurs articles d'avance. Alors j'ai pensé qu'il était beaucoup plus simple de me taire et de m'en remettre à leur imagination.»

DANS «MATA-HARI»

La blonde artiste suédoise semblait peu faite pour incarner
la brune héroïne d'un drame de l'espionnage. Elle a pourtant
su lui donner un très saisissant relief dans ce film où elle fait
alterner la tendresse et la farouche audace.

     Cette résignation, à base de mépris, n'empêche pas Greta Garbo de se défendre énergiquement pour les choses de son métier. C'est ainsi que, estimant que le premier rôle qu'on lui distribue ne lui convient pas, elle le refuse, puis se retire pendant quelques jours sur une plage voisine d'Hollywood. Cette attitude, si contraire à tous les précédents – un artiste européen ne doit-il pas tout accepter une fois que le Cinéma américain lui a fait l'honneur de recourir à son talent? – provoque une sorte de scandale et les journaux annoncent que Greta Garbo va regagner la Suède. Il n'en est rien: Greta se soumet, travaille, mais juge inutile de proclamer – comme tant d'autres, – en termes enthousiastes la joie et la fierté qu'elle éprouve à collaborer à la plus grande gloire du cinéma américain; et le soir, sa longue journée de rude labeur terminée, si elle ne se repose pas, au lieu de courir les restaurants, les dancings et les boîtes en tous genres, au lieu de participer aux «parties» que les «stars» organisent entre elles, elle reste dans la seule compagnie de Stiller et de Sjöström – qui, sous le nom américanisé de Seastrom, travaille lui aussi à Hollywood – et elle cherche à se retrouver pendant quelques instants dans une atmosphère scandinave.
     Puis en 1928, Stiller ayant obtenu de courtes vacances, va les passer en Suède où il meurt. («Hollywood avait tué ce Stanislawski du Cinéma», a dit le grand acteur allemand Emil Jannings qui bien connu Stiller.)
     Greta Garbo continua à travailler mais, le soir venu, il lui fut encore plus difficile de fuir Hollywood et de se retrouver chez elle.

Le secret de Greta Garbo

GRETA GARBO a-t-elle eu, comme on l'a laissé entendre un grand amour inconnu dans sa vie?
     Nous n'avons pas à percer ce secret qui ne regarde qu'elle, mai cela permettrait d'expliquer en partie – en très grande parties – ce que l'on appelle «le mystère Greta Garbo»: et, d'autre part, Greta Garbo a connu, enfant, tout ce qu'une vie peut avoir de médiocre; comme toutes les âmes sensibles, elle s'est repliée sur elle-même; le travail a été son premier et est resté son plus sûr dérivatif; les deuils ont obscurci sa jeunesse; enfin la vie lui a fait une obligation de vivre selon des règles et dans une atmosphère pour lesquelles elle n'est pas faite….
     Elle sait qu'elle ne peut rien changer à tout cela et qu'il lui faut s'y soumettre ou mourir…
     Elle s'y soumet, car elle a beaucoup de résignation, ayant beaucoup de mépris; elle s'y soumet, bien que souvent elle ait l'impression qu'il serait plus facile de mourir; mais dès qu'elle le peut, fuyant le bruit, la lumière, tout ce qu'il y a de mécanique, d'artificiel dans notre vie, elle cherche à redevenir l'enfant qu'elle a été et à revivre ces soirées dont elle savait qu'elles ne finiraient jamais et qu'elle «les revivrait interminablement comme un prisonnier qui ne changera jamais de cellule…» une cellule où l'on a pour seule, pour très douce, mais très effarouchable compagnie, l'entourage des souvenirs…

RENÉ JEANNE


Une autre expression de Greta Garbo
dans «Mata-Hari». Elle y avait en Ramon
Novarro un partenaire digne d'elle.

Clichés de la Métro Goldwyn-Mayer.

 

from:   LECTURES POUR TOUS,        May 1933
© Copyright by   LECTURES POUR TOUS

 



 

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